Les psychothérapeutes font état d’une nette augmentation des consultations de psychothérapie chez les jeunes adultes de 18 à 25 ans. Pourquoi un tel engouement pour cette génération ? Sans vouloir être exhaustive, je propose quelques pistes de réflexion tirées de mes lectures, de théoriciens de la Gestalt-thérapie et de mon expérience clinique.
En tant que jeune adulte, on franchit des étapes. Études, vie active, relations. Le monde du travail peut être anxiogène, incertain. La différenciation avec la famille d’origine peut être douloureuse. Les repères changent. La responsabilité se façonne. Ça peut se mettre à tirailler en tous sens. Des symptômes peuvent apparaître.
Si vous traversez un de ces moments, ou bien si vous avez un doute, vous pouvez me contacter pour en parler.
La société est devenue liquide : la difficulté à créer des formes
Le monde d’aujourd’hui apparaît de plus en plus « liquide ». La violence, quand cela est possible, est dénoncée. Ce qui est un immense progrès. Mais les valeurs d’antan associées à la verticalité des relations ont fait se dissoudre la notion d’autorité. Parents, éducateurs, défenseurs de la loi perdent en crédibilité.
Le monde se veut sans frontière. À tout moment, nous sommes en contact avec les actualités du bout du monde. À tout moment, nous pouvons contacter des personnes au-delà de nos cloisons physiques.
Les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec les smartphones, le manque de limites, mais aussi l’insécurité.
Le monde est incertain et manque de repères
Gianni Francescetti, psychiatre et Gestalt-thérapeute italien, ancien président de l’EAGT, a théorisé sur le lien entre la société actuelle et les formes que prend la souffrance. En effet, en Gestalt-thérapie, l’être humain est considéré comme étant en permanence en interaction avec l’environnement. Les symptômes font sens en étant reliés aux situations. Les symptômes de notre ère (l’attaque de panique en est un exemple typique) seraient en lien avec une société post-moderne incertaine en manque de repères.
« Sur un fond doté d’innombrables motifs d’incertitude, tels que les grands risques écologiques et les changements climatiques, les potentialités non contrôlables de la science et de la technique, les phénomènes interculturels liés aux flux migrateurs, l’imprévisibilité de l’économie et de la finance au niveau planétaire et d’autres phénomènes spécifiques ont récemment accentué l’expérience d’incertitude et d’instabilité : le terrorisme après le 11 septembre et les caractéristiques inédites de la guerre nous ont mis dans un monde où il n’y a pas de fronts de conflit et de frontières certains, les ennemis sont souvent insaisissables et sans visage, les dangers sont imprévisibles et personne ne possède de refuge sûr pour s’en protéger ».
Gianni Francesetti, « Attaques de panique et post-modernité »
Les appartenances
« Le besoin « d’appartenir » est un phénomène psychologique. Appartenir à quoi ? à la famille, au lieu de travail, à la profession, au club littéraire ou à un autre exemple parmi une multitude de groupes. Avoir sa place donne des satisfactions essentielles d’acceptation, de fiabilité, d’inspiration, de signification. »
Erving Polster, « L’enchantement se joint à la gestalt-thérapie pour explorer la vie »
Le besoin d’appartenir fait partie des besoins humains fondamentaux. En le niant, nous renonçons au soutien que peut offrir un groupe.
Or le besoin d’appartenir est peu recherché par les 18-25 ans.
« L’impression qui émerge est que dans ce niveau de génération, enfant d’une culture de la non-limite, au manque d’appartenances forte, s’ajoute le risque de ne pas percevoir le besoin d’appartenance en soi (…) Dans cette situation, il devient très difficile de pouvoir se positionner par rapport à soi-même – l’autre – le temps – les limites, et se construire une identité solide. »
Gianni Francesetti, « Attaques de panique et post-modernité »
> Plus d’informations sur la théorie développée par Gianni Francesetti
Notre société manque de rites
La difficulté à se lancer dans la vie n’est pas une problématique très présente dans l’inconscient collectif, les familles, les discussions. Ces problématiques sont invisibilisées et les autres générations auront tendance à moins soutenir les jeunes dans cette partie de leur vie.
La difficulté à se différencier
Les schémas familiaux peuvent s’activer à cette étape de vie. Certains parents auront du mal à voir leurs enfants s’envoler quand eux-mêmes ont une souffrance liée à la séparation. Lâcher le contrôle sur le devenir de son enfant ne se fait pas toujours de manière évidente, même lorsque l’on s’est construit sur un sol stable.
Des difficultés antérieures de séparation peuvent aussi s’activer.
Un fond manquant
En Gestalt-thérapie, on distingue le fond d’une figure qui se détache en conscience. Ce fond, constitué du manque d’appartenances, des nouvelles valeurs de la société, de l’incertitude : devient incertain, mouvant.
Cela crée des symptômes où le fond s’effondre. La panique en est un exemple typique.
Amours et désillusions
Les repères à propos des relations amoureuses se déconstruisent et se multiplient. Réseaux, média, séries nous inondent de modèles, de déconstructions, ou de nouvelles manières de faire couple.
Comment s’y retrouver ?
Comment donner du sens aux relations ?
Donner du sens aux relations dans une société individualiste
Le message véhiculé par la société est de s’autosuffire, de se développer personnellement, de s’aimer. Et de faire cela seul.
Comment apprendre à s’appuyer sur l’autre et faire avec ?
Comment les relations amicales et amoureuses peuvent-elles avoir du sens dans une société qui prône ” la réalisation de soi, l’efficacité et l’indépendance ” ?
Combien de personnes ont-elles honte d’avoir besoin d’un thérapeute ? Se sentent diminuées ? Alors que l’être humain est un être social avant tout.
Quels symptômes
L’attaque de panique semble constituer le grand symptôme de notre ère. Contrairement à la crise d’angoisse, l’attaque de panique concerne des moment irrationnels. Ce qui faisait socle : la respiration, le rythme cardiaque, s’effondre. On se sent attaqué par l’extérieur. Ce qui était évident ne l’est plus.
Les symptômes de cette tranche d’âge peuvent aussi concerner : les obsessions, les phobies, l’auto-sabotage, le sentiment d’une identité instable.
En Gestalt, on dirait que ces symptômes sont une tentative de créer de la frontière.
Que propose la Gestalt thérapie
La Gestalt-thérapie en ne dissociant pas l’individu de l’environnement, propose une vision sociologique.. Les jeunes ne sont pas culpabilisés des difficultés qu’ils rencontrent. Ils sont pris en compte dans un contexte global.
La Gestalt propose de contenir
Dans le cabinet du praticien, un espace sécurisé et protégé, on pose des mots, on fait des liens, on forme des bords.
Le thérapeute, par son approche phénoménologique, légitime les mouvements émotionnels du patient. Parfois ceux-ci sont encombrés. Une colère peut cacher de la tristesse. Comme la peur peut émerger en deçà de la rage.
Le Gestalt-thérapeute ne se contente pas de compatir. Il peut se montrer ferme et déterminé, pour diriger le flux de l’expérience, encourager et guider le patient.
Créer un sol à partir de l’expérience
La Gestalt-thérapie est une thérapie du soutien. Elle considère que l’anxiété survient lorsqu’un soutien est manquant. Pour relancer le processus de croissance, le psychothérapeute crée un soutien à l’endroit manquant. Il construira les soutiens adéquats pour un patient donné dans une situation donnée. Pour chaque patient, cela va se passer différemment. La Gestalt est une psychothérapie adaptée et personnalisée à chaque personne. C’est le thérapeute qui la crée sur mesure.
D’autre part, le Gestalt-thérapeute, en se centrant sur l’expérience, oeuvre à accroître la conscience du patient.
Il s’agit de prendre conscience mais aussi d’activer la fonction assimilation du soi, pour que les expériences se sédimentent en un sol. Petit à petit, le sens de soi se façonne.
Re-créer de la frontière
En tant que Gestalt-thérapeute, on rend hommage au symptôme qui crée de la frontière. On ne le dissèque pas comme un chirurgien, mais on propose des solutions supplémentaires pour créer de la frontière, se différencier autrement.
Le thérapeute contribue à augmenter la créativité et le degré de liberté du patient. Tout en contenant. Comme une fonction maternelle et paternelle à la fois, qui compatit tout en soutenant fermement le jeune à aller vers le monde et à trouver sa place dans la vie.
Plus d’informations sur la santé mentale des jeunes
Les chiffres publiés par Santé Publique France sont édifiants quant à la santé mentale des jeunes depuis 2020. Suivez le lien pour plus d’informations.
Je reçois enfants, adolescents et adultes à Paris 5, dans mon cabinet de Gestalt-thérapie.
